Dumbo a disparu. Parti. Envolé. Milan a recouru à une opération de chirurgie esthétique à ses vingt ans pour remédier à ses oreilles décollées. Et si vous trouviez que cela contribuait à son charme, tant pis ! Si ça peut vous rassurer, il a toujours autant son air idiot, celui qu’il fait pour amuser son peuple et se rendre plus bête qu’il ne l’est réellement. Son arme, c’est bien l’humour et toutes ses déclinaisons : taquineries, blagues, etc. En public, il sourit presque autant qu’il respire et les notions de pessimisme et d’abandon lui sont inconnues. Il est même un peu buté. Quand on commence quelque chose, on le termine, c’est tout. Du coup, il est assez exigeant. Il aime bien redonner le sourire aux gens mais n’aime pas particulièrement ceux qui se plaignent sans raison. Alors, c’est vrai, l’humour ne résout pas tout. Il l’a compris depuis longtemps, seulement il n’arrive pas encore à faire sans. Quand on le connait depuis un moment, on comprend bien que c’est sa manière de gérer les situations difficiles, de masquer la gêne, de garder une contenance. Et avec le temps, c’est devenu un véritable réflexe. Ce n’est pas bien ou mal. C’est juste… Comme ça.


En règle générale, c’est un « brave petit » comme dirait son papy. Comment ça, ça ne compte pas ce que pensent les grands-parents ? Pour une fois, on va dire que si. Milan est sociable et généreux. Il a le contact facile, mais la pipelette qu’il était plus petit a quand même réussi à évoluer vers quelque chose de plus posé. Personne n’a encore trouvé le bouton « off », c’est tout. Et, en vérité, le deuxième prénom que lui ont donné ses parents le fait bien rire. « Suea ». Le tigre. Un petit rappel de ses origines thaïlandaises, au passage manquant cruellement de modestie et imprononçable pour des non-initiés. Mais c’est ça qui est drôle justement ! En tout cas pour lui. Le vilain… Il n’a que vingt-neuf ans, bientôt la trentaine, mais il est surprenant que son visage ne soit pas déjà ridé étant donné qu’il a testé quasiment toutes les mimiques possibles au monde. Ses yeux sont bruns et malicieux et des fossettes viennent creuser ses joues quand il sourit. On ne peut pas dire qu’il soit laid, bien qu’il soit encore loin d’égaler les stars d’Hollywood.


Le sport, il aime bien. Mais plus sous forme d’activités, de loisirs du type vélo, natation, surf, que de pratique intense. Il est grand mais pas très baraqué Milan. Un coton-tige aurait plus d’allure. Et puis, il n’est pas très compliqué. Il s’habille simplement et coiffe ses cheveux sombres et épais soit en mèche, soit en « houpette ». Un problème avec Tintin ? Il trouve ça cool et maintenant qu’il a pris le coup de main, il ne veut pas changer. La mèche, c’est quand il a la flemme de mettre du gel ou de la laque en fait. Le petit fainéant… Mais seulement quand ça l’arrange ! En amour comme en amitié, il fonce. Parce que s’il a bien peur d’une chose, ce sont des regrets. Pourtant, cela peut le rendre exaspérant… Oh, vous voulez en savoir plus sur son corps de rêve ? Mise à part qu’il est grand, brun, avec un visage né pour abriter une vocation de clown et que le mystère reste entier de savoir où il stocke tout ce qu’il mange, pas de signe particulier en vue ! Pas de tatouages, ni de piercings. Mais si, ce n’est pas un alien ! Il a des cicatrices, des grains de beauté.


Sinon, il a le permis mais pas de voiture. En vérité, il déteste conduire. Mais c’est top secret ! Le vélo, il adore ! Le surf, un peu moins. Déjà, ce n’est pas pratique pour se rendre au travail et, en plus, il a failli se noyer la dernière fois qu’il en a fait parce qu’il faisait le pitre sur sa planche. Or, il y a des vagues qui se préparent… La prochaine fois, il ne prendra pas les gesticulations de sa sœur Mary pour une danse bizarre mais bien pour un avertissement… Il est distrait seulement quand il fait l’idiot. En vérité, il a le défaut de vouloir tout diriger et, surtout, que tout se passe au mieux et comme prévu initialement. Il est suffisamment orgueilleux pour s’offenser que l’on ne reconnaisse pas les efforts qu’il peut faire et déteste qu’on se fiche de lui. A son âge, ça ne le fait pas trop de bouder, mais il doit encore travailler sur ça. Pas étonnant qu’il soit célibataire. Il est si aimable avec tout le monde que l’on pourrait penser qu’il ne fait aucune différenciation entre les personnes. Alors, il faut creuser… Car, ce n’est pas vrai du tout. Chers proches, amis, et voisins peut-être, vous comptez beaucoup beaucoup. Et pour ceux avec lesquels ça ne passerait pas, préparez-vous à une joute verbale épique !

Sunny day. Le 9 mars 1988, la ville de Perth comptait un nouvel habitant. Peut-être plus qu’un, en fait. N’empêche que ce jour-là, ou dans cette famille là, ce fut Milan la star. Certainement pour la seule et unique fois de sa vie. Du coup, il fallait bien en profiter ! Et le pauvre, c’est terrible, il fut le seul garçon de sa fratrie… Le deuxième enfant entouré de trois, oui de trois, filles ! Une grande sœur, Cully, et deux petites, Grace et Mary. Pas de chance, il a dû passer son enfance entouré de barbies et de tables à maquillage et développer des talents dignes d’un agent secret pour éviter que ses propres jouets ne finissent barbouillés de maquillage ou agrémentés d’une robe pailletée. Il en a vu des horreurs son train électrique. Sans parler de ses petites voitures ! Une psychanalyse s’imposera peut-être un jour...

Parce que, oui, vous ne savez pas tout ! Son père était coiffeur. Rien de honteux en soi et il permettait au moins de confirmer la théorie comme quoi tous les coiffeurs ne sont pas gais. Enfin, normalement… Le problème dans tout ça, c’est qu’il prenait souvent ses enfants comme cobayes. « Et si je faisais des mèches bleues à Gracy ? » Le pire a été évité grâce à Maman Ashworth, mais Milan a quand même eu droit à une permanente frisée pour ses neuf ans, à une mèche décolorée pour ses onze ans, pour ne citer que ces expérimentations et ne pas tomber dans l’horreur. C’est à seulement quinze ans qu’il a repris le contrôle de sa coupe de cheveux. Depuis, elle brille admirablement par sa banalité et sa simplicité. Le bonheur.


Mais vous ne savez encore une fois pas tout. Non. Loiiiiin de là même. Pour cette existence qui brille depuis vingt-huit ans par sa simplicité et sa banalité, on notera toutefois un évènement marquant. Le déménagement de toute la petite famille pour Newcastle, toujours en Australie (l'Angleterre reste un rêve bien lointain), quand Milan avait dix-huit ans. L’âge de s’envoler, de s’émanciper et de trouver sa voie ! Et sa voie, il ne l’a pas trouvé tout de suite… Il a commencé par des études en biologie à Newcastle même, avant de s’orienter vers la littérature, puis le tourisme, pour finalement revenir à ? La biologie. Il a enfin réussi à décrocher son diplôme. A vingt-six ans, il était temps. Et puis, habitué depuis quelques années déjà à aller bénévolement faire le clown à l’hôpital dans les services de pédiatrie, il a décidé de passer le concours d’infirmier.  

Son père était coiffeur, sa mère agent de police, sa sœur aînée prof de maths, et, lui, il voulait être infirmier. La motivation, ça aide. Il a réussi son concours, ne manquait plus que la formation. Et pour une fois dans sa vie, il se montra doué pour autre chose que l’humour. On lui a souvent demandé : « Pourquoi pas médecine ? » ou « Ah, tu n’as pas réussi médecine, c’est ça ? ». Mais en fait, Milan voulait être infirmier. Pour bénéficier de la proximité avec les patients et entrer dans le monde du travail plus vite aussi. Et le grand jour, c’est maintenant ! Oui, aujourd’hui ! Il a trouvé un poste à Brisbane et va emménager à Willow Lane. Le vent se lève !


La valise est prête, toutes les bagages sont prêts. En vérité, il n’en possède pas beaucoup et il n’a pas franchement envie de se traîner les meubles. Vivre de solitude et d’eau fraîche (l'amour, on verra plus tard), c’est bien aussi ? Non ? Non. Il en achètera sur Brisbane, ça sert à ça les économies ! Et s'il a choisi d'emménager à Willow Lane, c'est aussi parce qu'il a trouvé une maison en collocation et que le quartier, légèrement excentré par rapport au centre-ville, permet d'accéder rapidement à différents lieux et activités. En plus, pour être tout à fait honnête, il est tombé sur une annonce bien sympathique et n'a pas cherché à aller voir ailleurs...

Mais le stress du déménagement n’est rien comparé à celui de commencer à exercer comme infirmier, dans une nouvelle ville, dans un nouvel hôpital… Au début, pendant ses stages, quand il commençait à avoir des responsabilités et des décisions à prendre face à un patient, Milan avait juste envie d’aller se réfugier chez ses grands-parents maternels en Thaïlande. Depuis, il a pris un peu d’assurance. En plus, que pourrait-il bien faire là-bas ? Sa mère est thaïlandaise, bien qu’elle vive depuis ses vingt-cinq ans en Australie, mais il ne parle pas un mot de cette langue… Juste, « Bonjour », « Merci », « Papy », « Mamy », « Bon appétit », et… « Je préfère la glace au citron ». Bon, le voilà résigné à rester ici… A moins de se mettre au thaïlandais et ça c’est… Dans la longue, la gigantesque liste des choses à faire, juste après se déguiser en kangourou. En plus, le voilà arrivé à Brisbane.


L’avion a atterri et les premières maisons du quartier ne tardent pas à apparaître à travers les vitres du taxi. Puis, il est arrivé à destination. C’est donc ici ? Waouh ! Franchement, c’est encore plus beau que sur les photos. Oui, il n’est pas venu visiter… Mais pour une colocation, en même temps, ce n’est pas hyper hyper nécessaire. A moins que si… Et puis, l’agence a affirmé que le quartier était tout neuf. Plus que ça même ! Il est juste incroyablement beau. Reste à poser ses bagages et vider les cartons maintenant… Tiens, un rideau vient de bouger à une fenêtre ! Est-ce qu’on l’observe ? Oh, il ne lui reste plus qu’à bomber le torse et à s’essayer dans le rôle du parfait voisin, c’est ça ? En attendant, Coucou chère Madame ! Ou Monsieur… Ah non, c’est un enfant. Salut toi, je suis ton nouveau voisin ! Smile.